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STATUE DU SQUARE NADAR
LE CHEVALIER DE LA BARRE
Relation de la mort du Chevalier de la Barre par un avocat, 1766
© Roger-Viollet
Jeune nobliau sans le sou, orphelin, recueilli chez sa tante abbesse à Abbeville, bourgade provinciale encore très traditionnaliste et superstitieuse, François-Jean Lefebvre de La Barre se rend coupable d’actes de blasphème avec ses compagnons. Le Chevalier n’a pas 18 ans, il s’ennuie, est nourri aux lectures des philosophes. Parallèlement, son monde à lui – l’aristocratie -, vit ses derniers moments avant une Révolution qui va redéfinir la place de chacun. Les rancunes et rancœurs d’un petit univers sclérosé où s’opposent des esprits s’ouvrant aux idées nouvelles face à une réaction, vont permettre d’ourdir une vengeance dont le jeune homme devient la victime. Il est le symbole d’une lutte entre un absolutisme déjà dépassé et des Lumières qui attendent l’heure de leur victoire, qui se donnera lieu 30 ans plus tard avec l’explosion révolutionnaire.
Dans la nuit du 8 au 9 août 1765, le crucifix neuf d’Abbeville est mutilé, et celui d’un cimetière voisin est retrouvé couvert d’immondices. Après l’audition de plus de 70 personnes, les soupçons se portent sur Gaillard d’Étallonde, Jean-François Lefebvre, Chevalier de La Barre et Moisnel. Les trois jeunes gens s’étaient déjà fait remarquer pour leur irréligion.
C’est une époque charnière que cette fin de règne d’un Louis XV fatigué, vieillit, dont l’autorité vacille : le Parlement de Paris est en conflit avec le souverain. D’une affaire que l’on qualifierait aujourd’hui de trouble à l’ordre public, le jeune Chevalier va subir le pire : la torture, pourtant obsolète dans les cas de blasphème, depuis un édit de Louis XIV. Mais son arrière-petit-fils s’est raidit face aux tensions politiques. Louis XV n’est plus depuis longtemps le « Bien aimé ». En conflit avec une des rares opposition possible à l’absolutisme, il choisit pour cet enfant qui peut-être ressemblait beaucoup à ce jeune homme qu’il fut par sa nature joyeuse et frivole, de ne pas user de son pouvoir de grâce. D’Étallonde s’enfuit et Moisnel, alors à peine âgé de dix-sept ans, craque suite à son arrestation.
Le Chevalier, quant à lui, ne prend pas suffisamment la mesure des conséquences possibles de ses actes. La procédure est conduite de façon très irrégulière et la sentence de mort est rendue le 28 février 1766 par la sénéchaussée. Le jeune homme, accusé de blasphème, est condamné à la décapitation par le présidial d’Abbeville. À la surprise générale, le Parlement de Paris confirme l’arrêt le 4 juin 1766. La sentence est conforme aux conceptions juridiques dominantes de cette moitié du XVIIIe siècle, bien qu’elle ait ses détracteurs. Les parlements ont en effet déjà atténué la rigueur de la répression en condamnant moins à mort. En outre, beaucoup de philosophes demandent à ce que les crimes commis contre la religion ne soient plus punis. Louis XV n’accorde pas sa grâce, malgré l’intervention personnelle de l’évêque d’Amiens.
Le Chevalier de la Barre est décapité par Charles – Henri Sanson le 1er juillet 1766. Le pays s’émeut et Voltaire s’empare de l’affaire, après l’horrible supplice. Le philosophe s’en préoccupe notamment parce que l’on trouve dans les livres du jeune homme « le Dictionnaire philosophique ». Cet ouvrage est disposé à côté de la tête décapitée du Chevalier, après que son corps a été jeté au bûcher. Depuis la Suisse, Voltaire prend fait et cause depuis quelques années pour ceux qu’il considère comme les victimes d’une propagande religieuse délétère. Mais c’est aussi pour lui-même qu’il travaille à la réhabilitation du Chevalier. Outre son indignation réelle, Voltaire est las d’anonymiser ses écrits, il veut voir la fin de la monarchie absolue et de la puissance de l’Église qui se mêle de tout. Il se sert ainsi de cette tragique affaire pour porter son message. Avec Condorcet, en 1774, il demande la révision du procès. C’est un échec dont les deux philosophes gardent une rancune tenace envers le Parlement de Paris. Le Chevalier de La Barre est finalement réhabilité près de trente années après son martyre, par la Convention, le 25 brumaire an II (16 janvier 1793). C’est l’affaire qui a définitivement enterré les exécutions et l’application de la torture pour blasphème, en France.
Marie Bardiaux-Vaïente
- livre
L’affaire du chevalier de la barre
Auteur : Voltaire
Éditeur : Gallimard
Date de parution : janvier 2009
Collection : Folio 2
Abbeville, 1765. Le chevalier de La Barre est accusé d’avoir profané une statue du Christ. Victime d’un règlement de comptes, condamné sans preuves et au mépris de la loi, le jeune homme est torturé, décapité et brûlé avec, entre les mains, un livre interdit, le Dictionnaire philosophique d’un certain Voltaire…
Directement mis en cause dans cette affaire, Voltaire s’insurge et utilise sa meilleure arme pour dénoncer l’injustice : sa plume.
- film
Voltaire et l’affaire Calas
De Francis Reusser
28 janvier 2009 / 1h30min / Historique
À Toulouse, en 1761, Marc-Antoine Calas est découvert mort étranglé dans la maison familiale. Son père, le calviniste Jean Calas, injustement accusé de l’avoir tué pour l’empêcher de se convertir au catholicisme, est condamné à mort. Il sera roué, étranglé et brûlé. Voltaire fera de ce « fait divers » un symbole de l’intolérance et du fanatisme…