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PLACE DE LA NATION
La place du Trône renversé, actuelle place de la Nation, est un des hauts lieux des exécutions révolutionnaires. C’est par l’avènement de ce nouvel espace exécutionnaire que deux fosses communes ont été creusées dans l’actuel cimetière de Picpus, ancien jardin d’un couvent de chanoinesses.
Ce sont les Docteurs Louis et Guillotin qui ont imaginé et fabriqué la guillotine. Joseph Ignace Guillotin, député du Tiers état en 1789, a pour idée de moderniser un instrument déjà connu. Cet engin signe le passage de l’artisanat à la machine. Plus tard, d’autres procédés d’exécution naissent à leur tour d’une conjoncture politique liée aux sciences sociales, médicales et technologiques (chaise électrique, chambre à gaz, injection létale, etc.). « C’est donc dans le souci de pousser en avant des principes d’équité, d’humanisme et de progrès, que la machine à décapiter qui allait bouleverser l’esthétisme de la mort fut évoquée à l’Assemblée. » Il faut à Guillotin plusieurs interventions avant que son projet ne soit entériné, sous couvert de l’égalité des peines pour tous. Mais il ne participe en rien à sa fabrication, dont le véritable concepteur est le Docteur Antoine Louis. Encyclopédiste, chirurgien et expert, reconnu dans l’art d’amputer, il a pratiqué de nombreuses expériences sur les animaux, et a accompagné les bourreaux au pied des potences, durant toute une année, afin d’évaluer le passage de vie à trépas des condamnés. La pendaison ne le satisfait pas, car il se rend compte que la mort clinique n’est pas instantanée.
C’est ainsi qu’après adoption du nouveau Code pénal du 25 septembre 1791 – complété par un additif le 6 octobre de cette même année (Article 3 : Tout condamné aura la tête tranchée) -, un décret du 20 mars 1792 intitulé « Décollation par guillotine », définit très précisément quel est dorénavant le mode de suppression unique pour tout citoyen français, sans distinction aucune, « de manière qu’il soit uniforme dans tout le royaume[1] ». En effet, Du 25 septembre 1791 au 20 mars 1792, le gouvernement s’est abstenu de toute exécution capitale, ne sachant quelle méthode employer. C’est pourquoi, le 20 mars 1792, l’Assemblée décrète l’urgence : « Décret d’urgence. L’Assemblée nationale, considérant que l’incertitude sur le mode d’exécution de l’article 3 du titre 1er du Code pénal suspend la punition de plusieurs criminels qui sont condamnés à mort ». Louis et Guillotin s’inspirent des machines à décapiter – à couper les cous – déjà usitées ailleurs en Europe. On pense notamment au Halifax Gibet usité en Angleterre : « C’est le parti qu’on a pris en Angleterre. Le corps du criminel est couché sur le ventre entre deux poteaux barrés par le haut par une traverse, d’où l’on fait tomber sur le col la hache convexe au moyen d’une déclique. » Jusqu’à l’abolition de la peine de mort en France en 1981, la guillotine n’a jamais été nommée dans le Code pénal. Elle n’a toujours été désignée que par une formule : « manière indiquée et mode adopté par la consultation du secrétaire perpétuel de l’Académie de Chirurgie ». En 1912, décision est prise : les militaires en dehors du service sont exécutés par la guillotine au lieu de la fusillade. Une décision similaire est reprise le 13 mars 1940 : les militaires ou assimilés condamnés à mort par un tribunal pour crime de droit commun, et les civils condamnés par un tribunal militaire pour un crime qui ne relève pas de l’atteinte à la sûreté de l’État, sont dorénavant guillotinés et non plus fusillés.
La guillotine s’exporte. Elle est usitée dans les États Belges à partir de 1795. Les exécutions ont lieu sur la Grand-Place bruxelloise, en pleine journée, et ce jusqu’en 1830. En Allemagne, on exécute beaucoup à la hache, trouvant de nombreux défauts à la guillotine : elle est lente, et ne correspond pas à l’idée que l’on pourrait se faire de la dignité humaine. En effet, elle oblige le condamné à mourir couché comme un animal. Néanmoins, sous l’Allemagne nazie, la guillotine est utilisée dans les cas considérés comme les plus graves. C’est le cas par exemple de Marinus Van der Lubbe, accusé de l’incendie du Reichstag, guillotiné le 10 janvier 1934.
Marie Bardiaux-Vaïente
[1] Robert Badinter, L’Abolition de la peine de mort, Paris, Dalloz, 2007.
- livre
La liberté ou la mort
Auteur : Michel Biard
Éditeur : Tallandier
Collection : Hors collection
Date de parution : 2015
Entre 1792 et 1795, 86 membres de la Convention nationale ont eu une mort non naturelle. Comment sont décédés ces hommes dont la devise était« La Liberté ou la mort » ? Sous le couperet de la guillotine ? Assassinés ? Suicidés ? En prison, en mission ou en déportation ? Pendant deux siècles, l’historiographie s’est emparée de cette question politiquement sensible, avec des visions partisanes : ici favorables aux Girondins, là aux Montagnards, parfois hostiles aux deux. Fondé sur des archives inédites, l’ouvrage présente les rouages juridiques qui ont permis ces éliminations politiques. Le Peletier et Marat sont aussi deux cas célèbres, assassinés en 1793, puis entrés au Panthéon. Mais qui connaît tous les autres itinéraires particuliers ? Plus complexes, ils sont révélés par les sources policières, judiciaires et médicales, et donnent chair au récit. Au fil des chapitres, Michel Biard s’interroge sur les origines et les conséquences de ces morts brutales. Il offre une vision neuve des luttes politiques et des épurations successives de la Convention au temps de la « Terreur »
- film
DANTON
Un film de Andrzej Wajda et Dimitri Buchowetzki
Genre : Drame
Durée : 2h16
Sortie : 12 janvier 1983
Inquiet de la nouvelle orientation imprimée à la révolution en 1793, Danton quitte sa retraite et regagne Paris. Il dénonce la « Terreur » qui règne sur la capitale et affronte son ancien compagnon de lutte, Robespierre.
- podcast
- pour aller plus loin
Idées noires, l’intégrale, Franklin
© Fluide glacial, 1978
La peine de mort affaiblit la conception même de justice, qui condamne ceux qui tuent.
Le fait d’ôter la vie se trouve légitimé par les pays qui pratiquent la peine capitale. Cette dernière constitue ainsi une vengeance d’état qui perpétue le cycle de violences et de souffrances.