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CESARE BECCARIA

ITALIE

Huile sur toile de Eliseo Sala (1813-1879)
© Veneranda Biblioteca Ambrosiana / Mondadori Portfolio / Leemage / Bridgeman
1738 – 1794
Ecrivain, juriste, auteur des délits et des peines en 1764
« La peine capitale n'a jamais détourné les hommes déterminés à outrager la société. »

Cesare Beccaria

Le principe de la peine capitale est remis en question avec Cesare Beccaria Bonesana, marquis de Gualdrasco et Villareggio. Aujourd’hui encore, « il est impossible de trouver un manuel de droit pénal où le nom de Cesare Beccaria n’est cité : il figure toujours en première ligne lorsqu’est abordée la […] peine de mort[1] ».

Philosophe, économiste, il s’intéresse très tôt aux questions liées à l’équité du système judiciaire. En 1764, à vingt-six ans, il parvient à publier – secrètement et sans nom d’auteur, à Livourne – Des délits et des peines (« Dei delitti e delle pene »). Dans ce texte, il fait le procès des règles de la jurisprudence criminelle de son temps et établit les bases de la réflexion moderne en matière de droit pénal. Son objectif n’est pas tant sa modification que la réforme de la société. Il s’inscrit de fait dans la droite lignée des Lumières et son intention est davantage politique que juridique : pourquoi et comment punir, quels doivent être les fondements de la législation en matière de justice criminelle ?

C’est au cœur de cette réflexion que le marquis, pour la première fois dans l’histoire des idées, remet très clairement en cause la peine capitale : « Cette vaine profusion de supplices, qui n’ont jamais rendu les hommes meilleurs, m’a poussé à examiner si, dans un gouvernement bien organisé, la peine de mort est vraiment utile et juste[2]. » 

Pour lui, la peine de mort est à la fois barbare et inefficace. Il se positionne par rapport à ces deux motifs totalement imbriqués et concomitants : non seulement elle n’est ni utile, ni nécessaire – et de citer l’exemple de la Russie abolitionniste sous Élisabeth Ire où la suppression du châtiment suprême n’a pas fait augmenter la criminalité –, mais elle est de plus un véritable crime judiciaire. En effet, il s’attache essentiellement à démontrer l’inefficacité, ainsi que le manque de légitimité, du châtiment suprême : « En vertu de quel droit les hommes peuvent-ils se permettre de tuer leurs semblables ? […] Qui aurait eu l’idée de concéder à d’autres le droit de le tuer […] Et, n’ayant pas ce droit, comment pouvait-il l’accorder à un autre ou à une société [3] ? »  

Il est évident pour Beccaria que la peine de mort n’est pas un droit. Elle n’est rien d’autre que la guerre de la nation contre un citoyen. Son application par un gouvernement est même le pire exemple qui puisse être donné aux hommes. Il appuie avec force sa conviction : « Si je prouve que cette peine n’est ni utile ni nécessaire, j’aurai fait triompher la cause de l’humanité[4]. » Enfin, hormis sa cruauté, son inutilité, son illégitimité, la peine de mort se trouve être non dissuasive pour le marquis de Beccaria : « Pour la plupart des gens, la peine de mort est un spectacle et, pour quelques-uns, l’objet d’une compassion mêlée de mépris ; chacun de ces deux sentiments occupe l’esprit des spectateurs, au lieu de la terreur salutaire que la loi prétend inspirer[5]. » 

Son positionnement est nouveau en prenant le biais de l’utilité – la valeur d’intimidation de la peine de mort – et de la justice. Dès sa sortie, l’œuvre de Beccaria connaît un succès retentissant. Lu par d’Alembert dès 1765, c’est l’abbé Morellet qui traduit l’ouvrage en France en 1766. Voltaire, quant à lui, publie Un commentaire sur Des délits et des peines cette même année. Pour les Lumières, Beccaria propose une révolution du système législatif en opposition avec le système de l’Ancien Régime. Le marquis est entré dans l’histoire en raison de son combat passionné contre la peine de mort. Il a posé plus que les jalons des fondements d’une politique criminelle abolitionniste. Aujourd’hui encore, tout partisan de l’abolition invoque son nom dans la lutte contre la sanction capitale : « Beccaria, presque intuitivement, donne à l’abolition son fondement politique dans une démocratie[6] ». Il est devenu une source des plus conséquentes du droit pénal moderne[7].

 

Marie Bardiaux-Vaïente

[1] Nicolas Catelan, L’Influence de Cesare Beccaria sur la matière pénale moderne, Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2004.
[2] Cesare Beccaria, Des délits et des peines.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
[5] Ibid.
[6] Robert Badinter, « Beccaria, l’abolition de la peine de mort et la Révolution française », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 1989.
[7] Beccaria et la culture juridique des Lumières, « Actes du colloque européen de Genève », 25-26 novembre 1995, Édité par Michel Porret.

Des délits et des peines

Auteur : Cesare Beccaria
Titre original : Dei delitti e delle pene
Pays : Italie
Genre : essai
Date de parution : 1764

Inspiré par les Philosophes des Lumières et aidé par l’actualité de l’époque Beccaria remet en cause de manière globale le système judiciaire. En dehors de tout modèle religieux, Beccaria y établit les bases et les limites du droit de punir, et recommande de proportionner la peine au délit. Il pose aussi en principe la séparation des pouvoirs religieux et judiciaire. Dénonçant la cruauté de certaines peines comparées au crime commis, il juge « barbare » la pratique de la torture et la peine de mort, et recommande de prévenir le crime plutôt que de le réprimer, amorçant ainsi le premier mouvement abolitionniste.

Lumières lombardes et Lumières italiennes : le cas de l’abolition de la peine de mort

Philippe Audegean, professeur des universités en philosophie, université de Nice-Côte d’Azur
11 décembre 2020
Conférences : La France et l’Italie au XVIIIe siècle
Bibliothèque nationale de France
Durée : 1h17

BECCARIA, DES DÉLITS ET DES PEINES – FRANCE CULTURE
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